Le rapport « Le droit à un revenu suffisant : faut-il s’inquiéter lorsque le rapport d’impôt s’en mêle ? » de la Ligue des droits et libertés porte sur le déclin de la protection sociale au Canada et au Québec. Il retrace l’histoire de la protection sociale au Canada afin de démontrer comment elle est progressivement devenue fonction du revenu plutôt que des risques sociaux. La LDL propose une analyse de ce virage dans une perspective d’interdépendance des droits humains, une analyse qui est drôlement pertinente dans le contexte des mesures temporaires liées à la COVID-19.
La TROCAO vous propose un court résumé de ce rapport :
Survol des droits économiques et sociaux
L’accès à la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant pour assurer la santé et le bien-être est un droit fondamental. Ce droit implique que tous aient « accès à des prestations et à des services sans discrimination afin de répondre à la perte de revenu, de combler le coût des soins de santé et de répondre aux besoins des enfant ». Énoncé pour la première fois dans la Déclaration universelle des droits humains en 1948, ce droit est repris dans certains articles du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux (PIDESC). Ce Pacte, ratifié par le Canada, exige que les États mettent en place tous les moyens nécessaires pour assurer le droit à la protection sociale. Ceux-ci se doivent notamment de prémunir les individus contre les risques sociaux et d’assurer une protection économique suffisante pour combler leurs besoins. Les mesures mises en place par les États doivent également répondre aux critères de disponibilité, d’adéquation et d’accessibilité.
Petit historique des mesures sociales et la lutte à la pauvreté au Canada et au Québec
Au Canada, c’est dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale que les premiers programmes sociaux sont mis en place au fédéral. Les allocations familiales, les pensions de vieillesse, l’assurance chômage, puis le système d’assurance maladie gratuit et universel sont instaurés. Ainsi, quelques années avant la ratification du PIDESC, le droit social fait déjà son apparition au Canada. Toutefois, dans les années 70, le gouvernement fait un virage qui associe les mesures de protection sociale à celui de la main d’oeuvre, et plusieurs programmes sociaux dits « universels » sont graduellement remplacés. On commence à parler de lutte à la pauvreté. Les bénéficiaires de l’aide sociale et de l’assurance chômage sont encouragés à travailler et à tenter de se chercher un emploi, sous peine de suspension. De plus, on assiste à l’apparition des crédits d’impôt. Plusieurs années plus tard, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale de 2002 accentue ce virage au Québec. Satisfaire le seuil de la mesure du panier de consommation (MPC) pour tous les Québécois devient la nouvelle mesure de prévention de la pauvreté. L’État ne cherche plus à réduire la pauvreté en améliorant les conditions de travail et le salaire, mais plutôt à la prévenir en appliquant des crédits d’impôt qui permettent de pallier les salaires insuffisants et d’éviter un glissement sous le seuil de MPC.
Est-ce que les mesures actuelles permettent une pleine jouissance de nos droits?
Il est pertinent de se questionner quant à l’impact de ce changement sur le respect des droits humains. En effet, les crédits d’impôt sont appliqués selon le revenu, sans égard au statut d’emploi. Ceci fait en sorte que chômeurs, travailleurs et retraités se retrouvent tous dans la même catégorie, différenciés que par leur revenu et leur rapport d’impôts. Ce processus « invisibilise » les populations les plus vulnérables en plus de compromettre le droit à la vie privée. D’ailleurs, la fiscalisation implique que la protection sociale ne soit plus gérée par une loi sociale, mais bien par une loi de budget. Cependant, les lois de budget ne permettent aucun recours et aucune stabilité, ce qui soulève certaines questions quant au droit à la justice et à un niveau de vie suffisant. De plus, elles ne garantissent pas les principes de disponibilité, d’adéquation et d’accessibilité énoncés dans le PIDESC. Pourtant, puisque le Québec a adhéré au PIDESC en 1976, il est tenu, encore aujourd’hui, de mettre en pratique ces principes. Sans cela, il brime non seulement le droit à la protection sociale, mais également les droits économiques, sociaux et culturels qui l’accompagnent. Le droit à la protection sociale doit ainsi être envisagé dans un contexte d’interdépendance de plusieurs droits, d’où l’importance d’une analyse globale de notre système de protection sociale.
Pour lire le rapport complet qui ratisse beaucoup plus largement, consultez le lien suivant : https://liguedesdroits.ca/communique-lancement-le-droit-a-un-revenu-suffisant-faut-il-sinquieter-lorsque-le-rapport-dimpot-sen-mele%E2%80%89/