5 mois à la TROCAO: parcours d’une stagiaire

5 mois à la TROCAO: parcours d’une stagiaire

Dans les prochains jours se terminera mon stage à la TROCAO. Un stage qui m’a fait grandir, qui m’a ouvert les yeux sur les multiples facettes du travail social et du milieu communautaire. Je tenais à remercier tous ceux et celles qui ont participé et contribué, de près ou de loin, à cette merveilleuse expérience qu’a été mon stage à la TROCAO. Si je quitte le coeur plein, plein de reconnaissance, d’apprentissage et de motivation, je peux aussi dire que ma vision de la TROCAO et du milieu communautaire a grandement évolué en un peu plus de cinq mois.

Tout a commencé un beau jour de novembre où l’air était frais, mais revendicateur. J’ai rencontré les travailleurs de ce milieu pour la première fois lors des trois jours d’actions pour le communautaire, en lien avec la campagne Engagez-vous pour le communautaire!. J’étais, à ce moment, membre du conseil exécutif de l’association étudiante des étudiant.e.s en travail social de l’UQO et nous avions voté une grève à l’unanimité afin de pouvoir soutenir le milieu communautaire lors des 7-8-9 novembre 2016. Je suis donc tombée en amour avec l’intervention collective et tout ce qui en découle grâce à un vote de grève et trois jours de mobilisation. Pour ceux qui connaissent Cindy, la directrice TROCAO, vous comprendrez que je puisse dire qu’elle serait fière de moi! Bref, on nous parle d’intervention collective et d’organisation communautaire dans nos cours à l’université, mais jamais je n’avais vu et compris le potentiel du collectif autant que ce que j’ai pu vivre lors de ces trois jours. Jamais je n’aurais cru que le travail social pouvait ressembler à ça, pouvait s’approcher autant de la politique et y jouer un rapport de force important. Je peux vous garantir qu’à partir de ce moment, mes cours, mes travaux et même notre société, faisaient beaucoup plus de sens à mes yeux.

Si j’ai dû attendre près d’un an avant de pouvoir faire mon stage au sein de la TROCAO, j’ai profité de cette année pour m’impliquer davantage et approfondir mes connaissances du milieu communautaire et ses enjeux. Ainsi, au début de mon stage je ne savais pas trop quel était le rôle de la TROCAO, qu’est-ce que concrètement ses travailleurs faisaient. Je dois vous avouer que j’en apprend encore aujourd’hui! Mais bon, ce que je connaissais, c’était qu’elle agit en tant que pont entre les organismes communautaires autonomes de la région et le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO). Je savais aussi qu’elle exerce souvent un rôle de porte parole pour le milieu communautaire de la région, donc qu’elle est un acteur politique. Finalement, je savais que la TROCAO est un regroupement, c’est-à-dire que ces membres sont des organismes communautaires et non des individus. Pour ceux qui me connaissent, j’ai toujours dit que je ne voulais pas faire de politique, mais je n’avais jamais été face à ce genre d’intervention, une politique du collectif, une politique critique.

J’ai eu amplement le temps de découvrir la TROCAO et ses pratiques lors de mon stage. En effet, j’ai compris qu’elle est plus que son rôle d’interlocuteur privilégié auprès du CISSSO, elle est aussi un moteur de réflexion, de vulgarisation, de mobilisation et de transformation sociale. J’en ai découvert la pertinence de l’éducation populaire pour permettre aux groupes, à la communauté de comprendre et de s’approprier les enjeux qui les concernent. J’ai pu participer à la création et l’organisation d’un atelier d’éducation populaire et d’une formation, ce qui m’a repositionnée dans un rôle plus réflexif et créatif, question de comprendre les enjeux et de les vulgariser. Cela peut paraître anodin, mais j’ai pu voir l’impact positif de l’éducation populaire. La possibilité qu’elle offre aux gens d’apprendre par eux-mêmes, de créer ensemble, de se lier à des luttes collectives et de réellement s’approprier ce qu’ils en auront retenu.

Mon stage tire maintenant à sa fin et malgré la merveilleuse opportunité internationale qui s’ouvre à moi en janvier pour mon deuxième stage, je dois vous avouer que je ne quitte pas d’un pas certain. La TROCAO m’a permis de rencontrer des gens merveilleux, provenant de milieux différents, mais portant à coeur les valeurs de l’action communautaire. Je vois la TROCAO comme un acteur de changement social, en fait je vois le milieu communautaire de la même manière. Ce stage a éclairci certains fondements du travail social, de par l’action collective, la démocratie, la vie associative, l’action et le pouvoir politique, la mobilisation, mais surtout, la participation citoyenne. Parce qu’au fond, les organismes communautaires autonomes ont été créés PAR et POUR la communauté au sein de laquelle ils se trouvent. Sans participation citoyenne, l’actualisation de ces autres fondements est impensable. Les mobilisations en lien avec des luttes sociales représentent bien plus que le simple fait de se geler les orteils à -25C en plein mois de février, pour piqueter devant le bureau d’un ministre. Elles sont un moyen d’émancipation politique pour les citoyens, un moyen d’expression, d’exercice de sa citoyenneté et de défense collective des droits. La TROCAO, pour moi, c’est un milieu qui se bat réellement pour la reconnaissance de l’action communautaire autonome. Sur ce point, je cesse donc de tenter de décrire concrètement les pratiques de la TROCAO, je cesse de travailler à y mettre des termes scientifiques et théoriques afin de la faire entrer dans le cadre conceptuel universitaire, parce qu’elle ne s’y conforme pas, tout comme le reste du milieu communautaire d’ailleurs. Ce dernier, malgré la provenance publique de ses subventions, est critique face aux actions de l’État et défend fièrement et solidairement les droits des citoyens. C’est ce qui rend notre Québec unique, une  spécificité qui se fragilise lorsque l’on voit l’évolution des décisions et actions prises par l’État.

Je ne peux plus m’imaginer un monde sans le milieu communautaire, mais malheureusement, avec l’augmentation des politiques sociales restrictives, des coupures dans les services publics et l’instrumentalisation du milieu communautaire, c’est vers ce monde que l’on se dirige tranquillement. Je suis maintenant assurée que ma place est dans la lutte à ce que ça n’arrive jamais. Cela se doit de passer par le réengagement de l’État dans ses services publics et l’augmentation de la reconnaissance du milieu communautaire, autonome ou non, et cette fois-ci, de manière visible sur le terrain. Il reste énormément de travail à faire, mais je ne perds pas espoir. Au contraire, je joins mes forces à la nouvelle vague générationnelle afin de lutter pour un État engagé, un État social.

Flavie Lemay, fièrement stagiaire